L’AMBIGU
ou
VARIÉTÉS LITTÉRAIRES
et POLITIQUES
N.º CCCVII—Le 10
Octobre, 1811.
RECUEIL PERIODIQUE,
Publié vers le 10,
20, et 30 de chaque Mois,
PAR
M. PELTIER.
Vol. XXXV.
Page 115-121
ARMÉE DE LORD
WELLINGTON.
Supplément a la
Gazette de la Cour
Du Mardi 15 Octobre
1811
PUBLIÉ LE MERCREDI,
10 OCTOBRE.
Quadrasayes,
le 29 Septembre.
Milord,
(...)
Dans
l'après-midi du 25, l'ennemi amena de Ciudad-Rodrigo une seconde division
d'infanterie; et dans le cours de cette nuit et du 26, il rassembla toute son
armée en face de notre position de Guinaldo; et ne jugeant pas à propos d'attendre
son attaque dans cette position, je me retirai d'environ trois lieues; le 27 je
formai l'armée ainsi qu'il suit: la 5e division sur la droite à Aldea Velha; la
4e et la division légère et la cavalerie du Major-général Alten au couvent de
Sacaparte, en avant d'Àlfayates; et le corps du lieutenant-général Graham sur
la gauche à Bismula, ayant son avant-garde au-delà de la rivière de Villar-Mayor;
et la cavalerie du lieutenant-général Sir Stapleton Cotton, près d'Alfayates,
sur la gauche de la 4e division; et ayant les brigades du général Pack et du général
Mc' Mahon, à Rebulosa, sur leur gauche. Les piquets de cavalerie étaient en
avant d' Aldea de Ponte, au-delà de la rivière de Villàr-Mayor; et ceux de la
brigade du général Alten au-delà de la même rivière vers Furcalhos.
L'ennemi
avait eu l'intention de tourner la gauche de la position de Guinaldo, en
faisant avancer une colonne dans la vallée de l'Azava-Supérieur, et de là
gravissant les hauteurs, en arrière de la position vers Castillegos, il détacha
de cette colonne une division d'infanterie et quatorze escadrons de cavalerie
pour nous suivre dans notre retraite par Albergaria, et une autre de la même
force nous suivit par Furcalhos. La première attaqua les piquets de la
cavalerie à Aldea de Ponte et les repoussa, et elle pénétra presque jusqu'à
Alfayates. Je la fis alors attaquer par le gén. Packenham avec sa brigade de la
4e division, soutenu par l'honorable lient. gén. Cole, et la 4e division, et
par la cavalerie de Sir Stapleton Cotton; l'ennemi fut repoussé vers
Albergaria, par Aldea de Ponte, et les piquets de la cavalerie reprirent leur
poste.
Mais
l'ennemi, renforcé par les troupes qui marchaient sur Forcalhos, s'avança de rechef
vers le coucher du soleil, délogea nos piquets de cavalerie d'Aldea de Ponte, et
s'empara du village. Le lieut. gén. Cole l'attaqua de nouveau avec une partie de
la brigade du gén. Packhenham et le chassa du village; mais la nuit étant
survenue, et le gén. Packenham n'étant pas certain de ce qui se passait sur ses
flancs ni du nombre des ennemis, et sachant que l'armée devait se retirer
encore plus loin, il évacua le village, que l'ennemi occupa, et garda durant la
nuit.
Le 28,
je formai l'armée sur les hauteurs derrière Soito, ayant à sa droite la Sierra
das Mesas, et la gauche à Rendo sur la Coa, environ à une lieue en arrière de
la position qu'elle avait occupée le 27. L'ennemi se retira aussi d'Aldea de Ponte,
et il eut ses avant-postes à Albergaria; et comme il parait qu'il est sur le
point de se retirer de cette partie du pays, que nous avons déjà eu du mauvais
temps, et que nous devous en attendre davantage à l'époque des vents de
l'équinoxe, je me propose de faire cantonner les troupes.
Je ne
puis terminer ce rapport des événements de la semaine dernière sans exprimer à
Votre Seigneurie mon admiration de la conduite des troupes engagées dans
l'affaire du 25 de ce mois.
La
conduite du 2e bataillon du 5e régiment, commandé par le major Ridge, offre
particulièrement un mémorable exemple de ce que la fermeté et la discipline des
troupes, et leur confiance dans leurs officiers, peuvent effectuer dans les situations
les plus difficiles et les plus critiques. La conduite du 77e régiment, sous le
commandement du lieut. col. Bromhead, n'a pas été moins bonne. Je n'ai jamais
vu une attaque plus vigoureuse que celle qui a été faite par toute la cavalerie
de l'ennemi, avec tout l'avantage d'une artillerie supérieure, et qui a été
repoussée par ces deux faibles bataillons. Je ne dois pas manquer non plus de
rendre compte de la bonne conduite, dans la même occasion, du 21e régiment portugais,
sous le commandement du col. Bacellar, et de l'artillerie du major Arenschild.
L'infanterie
portugaise n'a pas été réellement chargée, mais elle a été menacée plusieurs
fois; et elle a montré la plus grande fermeté et discipline, tant dans la
manière dont elle c'est préparée à recevoir l'ennemi, que dans tous les mouvements
d'une retraite de six lieues en plaine, faite en face d'une cavalerie et d'une
artillerie supérieures.
Les
canoniers Portugais attachés aux canons qui ont un moment dans la possession de
l'ennemi, ont été sabrés auprès de leurs pièces.
L'infanterie
a été en cette occasion sous le commandement de l'honorable major-général Colville,
le lieutenant-général Picton étant resté avec les troupes à El Bodon; la
conduite du inajor général Colville a été au dessus de tout éloge.
Votre
Seigneurie aura vu, par les détails que je viens de lui donner de l'action,
combien j'ai eu lieu d'être satisfait de la conduite du 1er régiment de
hussards et du 11e de dragons-légers, de la brigade du major-général Alten. Il
n'y avait sur le terrain pas plus de trois escadrons des deux régiments, cette
brigade ayant fourni depuis quelque temps la cavalerie pour les avant-postes de
l'armée, et ils ont chargé diverses reprises la cavalerie de l'ennemi; et
malgré la supériorité de ce dernier, le poste aurait été maintenu, si je
n'avais pas mieux aimé l'abandonner que de courir le risque de perdre ces braves
gens, en prolongeant un conflit inégal, avec un surcroît de désavantage,
résultant de l'arrivée de 14 bataillons d'infanterie qui y prirent part
immédiatement, avant qu'ils pussent recevoir les secours que j'avais fait
avancer.
Le
major-général Alten, et les lieutenant-colonels Cummins et Arenschildt, et les
officiers des régiments, se sont particulièrement distingués en cette occasion.
Je
dois dire aussi que l'honorable major-général C.Stewart, adjudant-général,
étant sur le terrain, a prêté son assistance, comme officier de cavalerie, avec
sa valeur accoutumée.
Dans
l'affaire du 27, à Aldea de Ponte, le brigadier-général Packenham, et les
troupes de la 4e division, sous les ordres du lieutenant-général Cole, se sont
aussi remarquablement bien conduits.
Son
Altesse Sérénissime le Prince héréditaire d'Orange m'a accompagné durant les
opérations que j'ai détaillées à V. S., il a été au feu pour la première fois,
et il s'est comporté avec une ardeur et une intelligence qui font espérer qu'il
sera un jour l'ornement de sa profession.
(...)
J'ai
l'honneur, etc
(Signé)
Wellington.
Je
joins ici un état des tués et blessés, les 25 et 27 de ce mois.
Suivent
deux états des tués, blessés et manquants; le premier, relatif à l'affaire du
25, présente le total général suivant: — 1 serg., 27 sold., 37 chevaux, tués; —
1 lieut-col., 3 capit, 2 lieut., 1 quart.-malt., 10 serg., 1 tamb., 20 sold., 49
chev. blessés; —1 serj., 2 tamb., 22 sold., 3 chev. manquants.
Le
second état, relatif au 27, offre ce total général ; — 1 capt., 13 sold., 3
chev. tués ;—1 major, 4 capt., 4 lieut., 3 serg., 1 tamb., 64 sold., 14 chev.
blessés; —9 sold., 6 chevaux manquants.
Pages
274-277
Armée
de Portugal.
Rapport
du Maréchal Duc de Raguse, Commandant en Chef de l'Armée de Portugal, à S. Ex. le
Prince de Wagram et de Neufchatel, Major-Général.
Ciudad-Rodrigo,
le 30 Septembre 1811.
Monseigneur,
(...)
Au
commencement de Septembre, j'appris que sept divisions de l'armée Anglaise
étaient rassemblées sur la Coa; qu'elle bloquait Ciudad-Rodrigo; qu'elle
amassait des fascines et gabions à Fuente Guinaldo ; que les travaux de son
camp retranche à Fuente Guinaldo étaient déjà avancés, et même que l'équipage
de siège y était arrivé d'Oporto.
Je
proposai alors au général Dorsenne de le joindre avec une partie de mon armée,
pour faire lever le siège de Ciudad-Rodrigo,—l'approvisionner pour
long-temps,—prendre le camp retranché de l'ennemi, ses magasins, et son parc d'artillerie
de siège, et enfin pour lui livrer bataille, et le poursuivre aussi loin qu'il
serait possible, conformément au plan d'opérations que V. A. m'a communiqué dans
sa dernière lettre en chiffre ; plan qui embrasse toutes ces régions.
J'ai
maintenant la satisfaction d'annoncer à V. A. que nos armes ont obtenu un plein
succès. Je me mis en marche avec cinq divisions" de mon armée, et
j'arrivai le 22, par la passe de Banos, à Tamames, où je formai ma jonction
avec les quatre divisions du général Dorsenner. J'admirai la bonne condition
d'un convoi de 1500 voitures, chargées de vivres, qui avait été rassemblé et organisé
avec une activité et un ordre extraordinaires. Les deux armées se mirent en
mouvement. Nous repoussâmes tous les postes de l'ennemi, et le 24, nous
introduisîmes tout le convoi dans Ciudad-Rodrigo. Cette forteresse est
conséquemment pourvue de vivres pour un temps considérable.
Le
comte Dorsenne me céda les troupes de la garnison, qui appartenaient à mon
corps d'armée, et les remplaça par d'autres de l'armée du Nord. Le 25, nous
nous mîmes en marche. A deux lieues de Ciudad-Rodrigo, nous aperçûmes
l'arriere-garde Anglaise. Le général Montbrun, commandant notre avant-garde,
chargea l'ennemi avec cette rapidité et cette audace qu'il a si souvent
déployées, et lui prit quatre pièces de canon. Nous nous emparâmes des
hauteurs, et nous y maintînmes, en dépit de tous les efforts des Anglais, qui
furent obligés de battre en retraite. Le général Mombrun les poursuivit pendant
deux heures ; son feu fut si vif, qu'il épuisa toutes ses munitions. La perte
de l'ennemi tut considérable ; il ne s'arrêta que lorsqu'il fut arrivé au camp
de Fuente Guinaldo: mais il n'y avait là que notre avant-garde : notre division
d'infanterie était à une marche en arrière. Sans cela, l'armée Anglaise était
perdue : nous eûmes la mortification de voir ses divisions se précipiter de
toute part vers son camp retranché Si j'avais eu alors 15,000 hommes seulement
à ma disposition, l'armée Anglaise aurait été surprise en flagrant délit, et
battue en détail, sans pouvoir se réunir. La division du général Anglais Cole
était encore à Payo, tandis que la division légère du général Craufurd était à Martiago;
mais notre infanterie n'arriva que durant la nuit ; et a la pointe du jour,
nous vîmes le camp retranché entièrement occupé par les troupes de l'ennemi.
Nous fîmes, le général Dorsenne et moi, les dépositions nécessaires pour attaquer
le 27 au matin ; mais le générai Anglais ne jugea pas à propos de nous attendre
; il abandouna son camp pendant la nuit, se retirant sur Alfayates et Sabugal.
Nous entrâmes le lendemaiu dans Fuente Gniuaido, et nous fîmes transporter à
Ciudad-Rodrigo une grande quantité de fascines et d'autres matériaux ramassés
pour le siège. Je dû détruire les lignes de l'ennemi; il fit sa retraite en trois colonnes. Le général Mombrun le poursuivit par la route de Casillas de
Flores. Le généval Wattier, avec la cavalerie de l'armée du Nord, suivit la
direction d'Albergaria; il atteignit l'arriere-garde de l'ennemi à Aldea de
Ponte, et la chargea immédiatement. La division Souhain étant arrivée, l'action
fut glorieuse pour les armes de S. M., et l'ennemi fut repoussé, avec beaucoup
de perte et de confusion. Son arriere-garde continua sa retraite sur Sabugal.
Nous
prîmes les bagages du Prince d'Orange et du général Craufurd. Le désordre fut
si grand dans l'armée Anglaise, qu'un aide-de-camp de Lord Wellington, en
voulant rejoindre ce général, se jeta, dans nos rangs. Nous fîmes 200 prisonniers.
L'armée de Portugal eut 100 hommes mis hors de combat; la perte de l'ennemi
monte de 7 à 800 hommes.
(...)
Je
dois mentionner avec éloge les généraux Montbrun et Boyer; le capitaine Hubert,
du 22e de chasseurs: le lieutenant Merel, du 15e de dragons; ainsi que mes
aides de camp Jardet et Favier. Je ne puis, en outre, trop louer le zele des
généraux, officiers et soldats de l'armée. Nous aurions suivi l'ennemi
jusqu'aux ligues de Lisbonne, où nous aurions pu former une jonction avec
l'armée du Midi, qui, entièrement réunie, n'a devant elle que la division du général
Hill, si le moment fixé pour la catastrophe des Anglais était arrivé.
(Signé)
Lé Maréchal Duc de Raguse
Page 277-279
Rapport
du Comte Dorsenne, Commandant en
Chef
de l'Armée du Nord de l’ Espagne, au
Prince
de Wagram, etc.
Ciudad-Rodrigo,
le 30 Septembre 1811.
Monseigneur,
(...)
Je
rejoignis le duc de Raguse à Tamames le 22. Nous entrâmes dans Ciudad-Rodrigo
le 24. Je changeai sur le champ la garnison, vidai les hôpitaux, et
approvisionnai la place pour un an. Le premier objet de mon mouvement fut ainsi
accompli; le second, qui était de prendre le camp retranché de Fuente Guinaldo,
a été aussi promptement obtenu. Pendant que le général Wattier marchait sur
Espeja avec la cavalerie de l'armée du Nord, le général Montbrun se portait sur
la gauche; il atteignit l'ennemi sur la hauteur de Bodon, ou il eut une
brillante affaire, dans laquelle l'ennemi fut culbuté. Nous arrivâmes bientôt à
Fuente Guinaldo, où nous apprîmes avec étonnement que l'armée Anglaise n'avait
pas encore rassemblé ses corps. Si nous avions pu prévoir que le général
Anglais fût capable de commettre une semblable faute, nous aurions pu prendre une
partie de l'armée Anglaise dans des combats partiels; mais notre infanterie
n'arriva que dans la nuit; et le lendemain, qui était le 26, je fis mes
dispositions pour attaquer le 27; elles ne purent, toutefois, être assez
secrètes pour ne pas être observées par l'ennemi: à dix heures du soir, le
général Anglais était en pleine retraite sur Alfayates. Le 27, le général
Watier atteignit à Aldea del Ponte, l’arriere-garde de l'ennemi, composée de
15,000 hommes d'infanterie et 3000 chevaux, avec 14 pièces de canon. Il chargea
la cavalerie Anglaise avec audace, la rompit et la mit en fuite, pendant que le
général Thiébault s'avança rapidement sur la route d'Alfayates, faisant sur
l'ennemi en désordre un feu terrible d'artillerie.
Plusieurs
charges de cavalerie nous rendirent maîtres de toute la plaine. A quatre heures
et demie, le général Souham rejoignit le général Thiébault, avec ses grenadiers
et voltigeurs; il attaqua le village avec cette vigueur qui le caractérise;
l'ennemi résista avec opiniâtreté pendant une demie heure; mais à la fin, le
village fut emporté à la bayonnette, et l'ennemi fut précipité dans un ravin:
peu après, cette partie de l'armée Anglaise fut repoussée au-delà de la Coa. Mon
corps d'armée eut dans cette affaire 40 tués et 140 blessés. La perte des
Anglais fut considérable; le général Anglais Cole fut grièvement blessé. J'ai
été très-satisfait du zele, de l'activité et de l'intelligence du général
Réynaud, commandant à Ciudad-Rodrigo ; il avait organisé cette place de manière
à faire la plus brillante résistance, si cela eût été nécessaire.
J'envoye
à V. A. un état des officiers qui se sont distingués. Je vous prie de rendre
compte à S. M. du zèle et de l'ardeur qui animent toutes mes troupes.
Lorsqu'elle jugera le moment arrivé pour commencer les grandes opérations afin
de chasser définitivement les Anglais de la Péninsule, S. M. ne trouvera dans
aucune année plus de zèle et de dévouement.
(Signé)
Le Comte Dorsenne.
Page 472-473
AFFAIRES
DE PORTUGAL.
Extrait
d'une Lettre d'une Personne attachée à l’Armée de
Lord
Wellington.
Au
quartier-général de l'armée britannique,
à
Freneda, Ie 16 Octobre.
Si
vous consultez la carte, vous verrez que notre ligne est à peu près comme elle
était auparavant. Du misérable réduit où je vous écris en ce moment, je puis
voir Ciudad Rodrigo devant moi, et derrière moi les ruines de la ville
d'Almeida. Depuis que les Français se sont repliés, je suis allé à Guinaldo.
Les habitants nous disent que l'ennemi a tout pillé chez eux, et qu'il a exercé
des cruautés horribles contre jeunes et vieux. Guinaldo est une très-jolie
ville, et comme elle est en Espagne elle est très-supérieure à tous égards aux villages
portugais, surtout en fait de propreté. Pendant le peu de temps que notre armée
se retira, je vis Lord Wellington se tenant, avec son sang froid et sa
magnanimité accoutumés, debout sur les hauteurs d'Alfayates, surveillant les approches
de l'ennemi. Le gouverneur de Ciudad Rodrigo, le général Reynaud, ses trois
officiers d'état-major et 200 têtes de bétail furent pris hier. Le général
français qui s'était avancé un peu au delà de sa ligne de promenade, était
surveillé de près par les guérillas, qui sont toujours sur le "qui vive
!" dans le voisinage, et certes ils sont d'une grande utilité pour cette
espèce de guerre, et ils contribuent singulièrement aux opérations de la
campagne. La prise des 200 têtes de bétail vexera prodigieusement l'ennemi. Ce
bétail faisait partie des vivres qui ont été jetés en dernier lieu dans cette place,
et qui l'aurait fait vivre au moins pendant un mois. L'ennemi doit sentir
très-vivement cette perte, car il n'a d'autre moyen de la réparer que de
rassembler encore une fois les forces de Marmont à Salamanque, et de les faire marcher
sur nous. S'il le fait, il pourrait fort bien ne pas se retirer devant Lord
Wellington aussi aisément qu'auparavanï; surtout si ce général peut les amener
dans un terrain où leur cavalerie ne pourrait pas agir ; et leur y livrer bataille.
La
division du Général Cole (la 4eme) et la brigade portugaise, sous le
commandement du général Harvey, quittta hier ces environs et se porta de Fuentes
d'Onoro, où elle était cantonnée, un peu plus près de Ciudad-Rodrigo, dans
l'intention d'engager l'ennemi à faire une sortie. Mais ils n'en ont guère
d'envie, et maintenant qu'ils ont perdu leur chef, je suppose qu'ils se rendront
le plus près possible de la garnison.
Il
vous sera peut-être agréable de recevoir une description des guérillas ; je
vais essayer de vous en donner une aussi bien que me le permettra la
connaissance que j'en ai ayant vu un grand nombre d'hommes de cette race
audacieuse et intrépide. Ils marchent ordinairement par petits détachements,
proportionnant toujours leur nombre à l'objet qu'ils ont en vue. Leur soif de
butin les rend extrêmement actifs à s'informer et à découvrir où l'ennemi
cherche à porter et à déposer ses bagages ou ses provisions ; et la connaissance
parfaite que ces guérillas ont de tous les sentiers du pays, leur donne un
avantage décidé pour se mettre en embuscade et intercepter tous les convois et
les communications de l'ennemi. Ils sont infatigables dans leurs travaux, et ne
prennent de repos ni nuit ni jour, lorsqu'ils ont quelque objet en vue. Leurs
informations sont toujours exactes. L'habillement et la mine de ces maraudeurs
(ainsi que l'ennemi les appelle) suffisent pour inspirer de la terreur ; ils
portent un immense bonnet recouvert en poil, lequel est attaché sous le menton
par une lanière de cuir noir. Un manteau brun est jeté négligemment sur leurs
épaules, et au côté de leurs chevaux est suspendue l'arme terrible et meurtrière,
la lance, qui a ordinairement dix pieds de long. La pointe en est fixée dans un
étui de cuir qui pend de la selle à l'épaule du cheval, du côté droit. Au
milieu du manche de cette arme est suspendue une courroye, pour la tenir et pour
l'empêcher de gêner la marche du cheval, ou d'embarrasser le cavalier. Lorsque
l'occasion se présente d'employer cette arme, on la détache avec la plus grande
facilité.
Leurs
énormes moustaches et leurs bottes de peau de chèvres donnent à ces paysans une
apparence qui frappe d'épouvante. La manière dont ils vivent leur permet de
supporter toute espèce de privations, et les rend plus propres qu'aucune autre
espece d'hommes à la nature de la guerre cruelle et destructive qu'ils font à
l'ennemi. Un oignon, un morceau de pain, une grappe de raisin non seulement
leur suffisent pour satisfaire leurs besoins, mais même ils les regardent
quelque fois comme des friandises.