JOURNAUX
DES SIÈGES.
FAITS
OU SOUTENUS PAR LES FRANÇAIS DANS LA PÉNINSULE, DE 1807 A 1814,
RÉDIGÉS,
D’APRÈS LES ORDRES DU GOUVERNEMENT, SUR LES DOCUMENTS EXISTANT AUX ARCHIVES DE
LA GUERRE ET AU DÉPÔT DES FORTIFICATIONS.
PAR J.
BELMAS,
CHEF
DE BATAILLON DU GÉNIE.
TOME
PREMIER.
PARIS,
CHEZ
FIRMIN DIDOT FRÈRES ET CIE,
RUE
JACOB, N.º 24.
M DCCC
XXXVI.
GUERRE
DE LA PÉNINSULE
CAMPAGNE
DE 1811 – pages 169-172
Masséna
avait le choix de se retirer sous l’appui du canon d’Almeida et de
Ciudad-Rodrigo, ou de prendre à Guarda, sur la Sierra d’Estrella, une position
de flanc qui le rapprochait du Tage, lui permettait de se lier avec l’armée du
centre vers Madrid et avec l’armée du midi sur la Guadiana, et lui donnait le
moyen de manoeuvrer encore contre les Anglais. Il préféra ce dernier parti,
quoique contraire au désir général des officiers et soldats de l’armée, qui
voulaient rentrer au plus vite en Espagne pour s’y reposer de leurs fatigues et
se procurer des vivres.
Le
maréchal Ney, qui depuis le commencement de la campagne était en scission
ouverte avec le général en chef, refusa positivement d’obéir, préférant de
ramener l’armée directement sur Almeida, et delà sur Salamanque, pour y prendre
des cantonnements. Le général en chef, irrité d’un refus qui compromettait son
autorité, crut devoir renvoyer ce maréchal de l’armée, pour y rétablir la
subordination par un exemple de sévérité sur l’un de ses premiers chefs, et il donna
le commandement du sixième corps au général Loison. Il envoya ses malades à
Ciudad Rodrigo et fit reconnaître Alcantara, Coria, ainsi que tout le pays
compris entre le Tage et la Guadiana, pensant que la position du Tage était la meilleure
à prendre, s’il pouvait y trouver des vivres. Mais, le 29 mars, lord Wellington
s’étant présenté devant Guarda, Masséna se replia derrière la Coa. Dans cette
retraite, l’armée française perdit mille deux cents maraudeurs qui n’eurent pas
le temps de rejoindre leurs régiments.
Le
deuxième corps prit position à Sabugal, où se trouve sur la Coa un beau pont en
pierre, à la jonction des grandes routes de Guarda et de Castelbranco. Le
huitième corps fut placé en arrière à Alfayates. Le sixième corps s’étendit à
la droite le long de la Coa. Masséna conservait encore dans cette position la
possibilité d’opérer, soit sur Coria, soit sur Ciudad-Rodrigo, et il donnait le
temps au maréchal Bessières d’arriver à son secours avec l’armée du Nord (1 ),
et de compléter les approvisionnements d’Almeida et de Ciudad-Rodrigo.
Mais
bientôt lord Wellington parut avec son armée, et, le 3 avril [1811], il attaqua
le deuxième corps à Sabugal avec des forces supérieures. Le combat se soutint
longtemps avec le plus vif acharnement; à la fin, le général Reynier fut obligé
de se retirer sur Alfayates, en se frayant, les armes à la main, un passage à
travers l’ennemi qui déjà l’entourait. Cette affaire nous coûta sept cents
hommes. Masséna, obligé d’en revenir à l’opinion du maréchal Ney, se retira sous
les murs de Ciudad-Rodrigo, autant pour éviter des engagements désavantageux,
que pour mettre un terme à l’affreuse pénurie à laquelle son armée était en
proie Le détour qu’il avait fait par Guarda permit à l’ennemi de bloquer
Almeida, avant que cette place fût complètement approvisionnée. Quelques jours
après , Masséna vint prendre des cantonnements à Salamanque, pour remettre
l’armée de ses fatigues.
De
leur côté, les Anglo-Portugais, manquant de vivres, repàssèrent les montagnes,
et y s’étahlirent dans les environs de Celorico, afin d’être plus à portée de
leurs magasins établis à Viseu et à Coimbre.
GUERRE
DE LA PÉNINSULE
CAMPAGNE
DE 1811 – pages 197-198
L’armée
de Marmont comptait vingt-deux mille hommes, celle de Dorsenne était forte de
vingt-quatre mille hommes: ces deux armées firent leur jonction à Tamames le 22
septembre [1811], et marchèrent sur Ciudad-Rodrigo. On s’attendait à une grande
bataille, mais lord Wellington se retira dans un camp retranché qu’il avait
établi en avant de Fuente Guinaldo, appuyant sa droite à l’Agueda. Le 26 septembre,
les armées françaises se présentèrent devant cette position. Lord Wellington ne
voulant pas risquer une bataille, et craignant d’être tourné par sa gauche, où
ses travaux de défense n’étaient pas encore terminés, fit sa retraite pendant
la nuit sur Alfayates. Les deux armées françaises ayant atteint leur but, qui
était de ravitailler Ciudad-Rodrigo, ne suivirent pas l’ennemi plus loin. Elles
revinrent sur leurs pas et se séparèrent. Le général Dorsenne retourna à
Valladolid, et le maréchal Marmont vint reprendre ses positions dans la vallée
du Tage. Il dut se préparer au siège d’Elvas (1); mais le manque de
subsistances, obstacle invincible qu’il rencontra dans toutes ses opérations, l’empêcha
d’exécuter ce projet (2).
La
campagne se termina sans autres événements sur la frontière de Portugal. Lord
Wellington établit son quartier général à Almeida, dont il fit relever les
fortifications, pour assurer ses dépôts et ses magasins.
GUERRE
DE LA PÉNINSULE
CAMPAGNE
DE 1811 – pages 510-512
N.º
61.
Lettre du maréchal Masséna, prince d'Essling, au prince
Berthier, major général.
Alfayatès,
le 31 mars 1811.
Monseigneur,
Dans
ma dernière lettre, je disais à Votre Altesse que je ferais reconnaître Coria,
Plasencia et Alcantara, pour m'assurer si le pays offrait quelques ressources
et pouvait nourrir l'armée. Je n'ai pas eu le temps de recueillir ces
renseignements. L'ennemi ayant fait des mouvements sur Guarda, l'armée a pris
position à Sabugal, Alfayatès, Ponte de Sequeiros et Rapoula de la Coa. La
réserve de cavalerie est placée aux environs d'Alfayatès.
Monseigneur,
je vous dois la vérité: l'armée a besoin de quelques mois de repos; les
officiers généraux et autres en ont parlé trop souvent aux soldats, et cette opinion
est prédominante à l'armée. Je tiendrai tant que je pourrai mes nouvelles
positions. Il est vrai de dire qu'elles offrent bien peu de ressources; mais on
pourrait y tenir quelques jours, si je ne suis pas contrarié comme je l'ai été
jusqu'à présent. Il suffit que l'ennemi montre quelques têtes de colonne, pour
intimider les officiers, et leur faire dire hautement que c'est toute l'armée
de Wellington qui se présente. Il faut quelque temps à l'armée de Portugal pour
se refaire, et pour profiter des effets d'habillement appartenant aux corps, et
qui sont à Valladolid et à Salamanque. Je crois que quand l'armée aura pris du
repos, et qu'elle se sera un peu habillée, Sa Majesté pourra la faire agir.
Il y a
vingt-sept jours aujourd'hui que nous sommes en marche: tout est usé, et on a
besoin de beaucoup de choses. Comme je l'ai déjà dit à Votre Altesse, nous n'avons
perdu ni artillerie, ni caissons; et nos chevaux sont absolument exténués: Les
équipages militaires n'existent plus; nous n'avons donc aucun transport.
Tout
le matériel des équipages militaires et de l'artillerie est à recréer.
J'ai
prescrit au général comte d'Erlon de se placer, avec ses deux divisions, à Val
de la Mula, Aldea dél'Obispo et environs, pour protéger l'évacuation d'Almeida,
et pour se porter, au besoin, au secours des deux places, si l'ennemi les
menaçait. Si je suis obligé de passer l’Agueda, j'échelonnerai l'armée entre
San Felices de Chico , Ledesma, Zamora, Toro et environs, de manière à pouvoir
la réunir en peu de temps, pour marcher, s'il le fallait, sur Almeida ou
Ciudad-Rodrigo.
Je ne
crois pas que l'ennemi puisse tenter rien de sérieux contre ces deux places,
les ponts sur la Coa étant détruits et les abords de la première étant
difficiles.
Si je
passe l'Agueda, que Votre Altesse soit bien convaincue que je n'ai pas laissé
de développer la plus grande résistance, et que ce n'a été qu'à la dernière extrémité
que ce mouvement aura été exécuté. Le désir que l'armée a manifesté depuis
longtemps d'aller se reposer, ne me laisse aucun doute qu'il serait dangereux d'attendre
l'ennemi pour recevoir bataille ou pour la lui donner. Les troupes sont bonnes,
mais elles ont besoin de repos. Les maraudes, quoique organisées, et qu'on a
été obligé d'y permettre, n'ont pas peu contribué à atténuer la discipline, qui
a le plus grand besoin d'être rétablie.
J'aurai
soin de rendre compte à Votre Altesse, tous les deux jours, de ce qui se sera
passé.
J'ai l'honneur d'être, avec un respectueux
dévouement , etc.
Signé:
MASSÉNA.
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