terça-feira, 13 de setembro de 2016

LORD WELLINGTON à Alfaiates - Septembre 1811





L’AMBIGU
ou
VARIÉTÉS LITTÉRAIRES et POLITIQUES
N.º CCCVII—Le 10 Octobre, 1811.
RECUEIL PERIODIQUE,
Publié vers le 10, 20, et 30 de chaque Mois,
PAR
M. PELTIER.
Vol. XXXV.


Page 115-121
ARMÉE DE LORD WELLINGTON.
Supplément a la Gazette de la Cour
Du Mardi 15 Octobre 1811
PUBLIÉ LE MERCREDI, 10 OCTOBRE.



Quadrasayes, le 29 Septembre.
Milord,
(...)
Dans l'après-midi du 25, l'ennemi amena de Ciudad-Rodrigo une seconde division d'infanterie; et dans le cours de cette nuit et du 26, il rassembla toute son armée en face de notre position de Guinaldo; et ne jugeant pas à propos d'attendre son attaque dans cette position, je me retirai d'environ trois lieues; le 27 je formai l'armée ainsi qu'il suit: la 5e division sur la droite à Aldea Velha; la 4e et la division légère et la cavalerie du Major-général Alten au couvent de Sacaparte, en avant d'Àlfayates; et le corps du lieutenant-général Graham sur la gauche à Bismula, ayant son avant-garde au-delà de la rivière de Villar-Mayor; et la cavalerie du lieutenant-général Sir Stapleton Cotton, près d'Alfayates, sur la gauche de la 4e division; et ayant les brigades du général Pack et du général Mc' Mahon, à Rebulosa, sur leur gauche. Les piquets de cavalerie étaient en avant d' Aldea de Ponte, au-delà de la rivière de Villàr-Mayor; et ceux de la brigade du général Alten au-delà de la même rivière vers Furcalhos.
L'ennemi avait eu l'intention de tourner la gauche de la position de Guinaldo, en faisant avancer une colonne dans la vallée de l'Azava-Supérieur, et de là gravissant les hauteurs, en arrière de la position vers Castillegos, il détacha de cette colonne une division d'infanterie et quatorze escadrons de cavalerie pour nous suivre dans notre retraite par Albergaria, et une autre de la même force nous suivit par Furcalhos. La première attaqua les piquets de la cavalerie à Aldea de Ponte et les repoussa, et elle pénétra presque jusqu'à Alfayates. Je la fis alors attaquer par le gén. Packenham avec sa brigade de la 4e division, soutenu par l'honorable lient. gén. Cole, et la 4e division, et par la cavalerie de Sir Stapleton Cotton; l'ennemi fut repoussé vers Albergaria, par Aldea de Ponte, et les piquets de la cavalerie reprirent leur poste.
Mais l'ennemi, renforcé par les troupes qui marchaient sur Forcalhos, s'avança de rechef vers le coucher du soleil, délogea nos piquets de cavalerie d'Aldea de Ponte, et s'empara du village. Le lieut. gén. Cole l'attaqua de nouveau avec une partie de la brigade du gén. Packhenham et le chassa du village; mais la nuit étant survenue, et le gén. Packenham n'étant pas certain de ce qui se passait sur ses flancs ni du nombre des ennemis, et sachant que l'armée devait se retirer encore plus loin, il évacua le village, que l'ennemi occupa, et garda durant la nuit.
Le 28, je formai l'armée sur les hauteurs derrière Soito, ayant à sa droite la Sierra das Mesas, et la gauche à Rendo sur la Coa, environ à une lieue en arrière de la position qu'elle avait occupée le 27. L'ennemi se retira aussi d'Aldea de Ponte, et il eut ses avant-postes à Albergaria; et comme il parait qu'il est sur le point de se retirer de cette partie du pays, que nous avons déjà eu du mauvais temps, et que nous devous en attendre davantage à l'époque des vents de l'équinoxe, je me propose de faire cantonner les troupes.
Je ne puis terminer ce rapport des événements de la semaine dernière sans exprimer à Votre Seigneurie mon admiration de la conduite des troupes engagées dans l'affaire du 25 de ce mois.
La conduite du 2e bataillon du 5e régiment, commandé par le major Ridge, offre particulièrement un mémorable exemple de ce que la fermeté et la discipline des troupes, et leur confiance dans leurs officiers, peuvent effectuer dans les situations les plus difficiles et les plus critiques. La conduite du 77e régiment, sous le commandement du lieut. col. Bromhead, n'a pas été moins bonne. Je n'ai jamais vu une attaque plus vigoureuse que celle qui a été faite par toute la cavalerie de l'ennemi, avec tout l'avantage d'une artillerie supérieure, et qui a été repoussée par ces deux faibles bataillons. Je ne dois pas manquer non plus de rendre compte de la bonne conduite, dans la même occasion, du 21e régiment portugais, sous le commandement du col. Bacellar, et de l'artillerie du major Arenschild.
L'infanterie portugaise n'a pas été réellement chargée, mais elle a été menacée plusieurs fois; et elle a montré la plus grande fermeté et discipline, tant dans la manière dont elle c'est préparée à recevoir l'ennemi, que dans tous les mouvements d'une retraite de six lieues en plaine, faite en face d'une cavalerie et d'une artillerie supérieures.
Les canoniers Portugais attachés aux canons qui ont un moment dans la possession de l'ennemi, ont été sabrés auprès de leurs pièces.
L'infanterie a été en cette occasion sous le commandement de l'honorable major-général Colville, le lieutenant-général Picton étant resté avec les troupes à El Bodon; la conduite du inajor général Colville a été au dessus de tout éloge.
Votre Seigneurie aura vu, par les détails que je viens de lui donner de l'action, combien j'ai eu lieu d'être satisfait de la conduite du 1er régiment de hussards et du 11e de dragons-légers, de la brigade du major-général Alten. Il n'y avait sur le terrain pas plus de trois escadrons des deux régiments, cette brigade ayant fourni depuis quelque temps la cavalerie pour les avant-postes de l'armée, et ils ont chargé diverses reprises la cavalerie de l'ennemi; et malgré la supériorité de ce dernier, le poste aurait été maintenu, si je n'avais pas mieux aimé l'abandonner que de courir le risque de perdre ces braves gens, en prolongeant un conflit inégal, avec un surcroît de désavantage, résultant de l'arrivée de 14 bataillons d'infanterie qui y prirent part immédiatement, avant qu'ils pussent recevoir les secours que j'avais fait avancer.
Le major-général Alten, et les lieutenant-colonels Cummins et Arenschildt, et les officiers des régiments, se sont particulièrement distingués en cette occasion.
Je dois dire aussi que l'honorable major-général C.Stewart, adjudant-général, étant sur le terrain, a prêté son assistance, comme officier de cavalerie, avec sa valeur accoutumée.
Dans l'affaire du 27, à Aldea de Ponte, le brigadier-général Packenham, et les troupes de la 4e division, sous les ordres du lieutenant-général Cole, se sont aussi remarquablement bien conduits.
Son Altesse Sérénissime le Prince héréditaire d'Orange m'a accompagné durant les opérations que j'ai détaillées à V. S., il a été au feu pour la première fois, et il s'est comporté avec une ardeur et une intelligence qui font espérer qu'il sera un jour l'ornement de sa profession.
(...)
J'ai l'honneur, etc
(Signé) Wellington.


Je joins ici un état des tués et blessés, les 25 et 27 de ce mois.
Suivent deux états des tués, blessés et manquants; le premier, relatif à l'affaire du 25, présente le total général suivant: — 1 serg., 27 sold., 37 chevaux, tués; — 1 lieut-col., 3 capit, 2 lieut., 1 quart.-malt., 10 serg., 1 tamb., 20 sold., 49 chev. blessés; —1 serj., 2 tamb., 22 sold., 3 chev. manquants.
Le second état, relatif au 27, offre ce total général ; — 1 capt., 13 sold., 3 chev. tués ;—1 major, 4 capt., 4 lieut., 3 serg., 1 tamb., 64 sold., 14 chev. blessés; —9 sold., 6 chevaux manquants.




Pages 274-277
Armée de Portugal.
Rapport du Maréchal Duc de Raguse, Commandant en Chef de l'Armée de Portugal, à S. Ex. le Prince de Wagram et de Neufchatel, Major-Général.

Ciudad-Rodrigo, le 30 Septembre 1811.
Monseigneur,
(...)
Au commencement de Septembre, j'appris que sept divisions de l'armée Anglaise étaient rassemblées sur la Coa; qu'elle bloquait Ciudad-Rodrigo; qu'elle amassait des fascines et gabions à Fuente Guinaldo ; que les travaux de son camp retranche à Fuente Guinaldo étaient déjà avancés, et même que l'équipage de siège y était arrivé d'Oporto.
Je proposai alors au général Dorsenne de le joindre avec une partie de mon armée, pour faire lever le siège de Ciudad-Rodrigo,—l'approvisionner pour long-temps,—prendre le camp retranché de l'ennemi, ses magasins, et son parc d'artillerie de siège, et enfin pour lui livrer bataille, et le poursuivre aussi loin qu'il serait possible, conformément au plan d'opérations que V. A. m'a communiqué dans sa dernière lettre en chiffre ; plan qui embrasse toutes ces régions.
J'ai maintenant la satisfaction d'annoncer à V. A. que nos armes ont obtenu un plein succès. Je me mis en marche avec cinq divisions" de mon armée, et j'arrivai le 22, par la passe de Banos, à Tamames, où je formai ma jonction avec les quatre divisions du général Dorsenner. J'admirai la bonne condition d'un convoi de 1500 voitures, chargées de vivres, qui avait été rassemblé et organisé avec une activité et un ordre extraordinaires. Les deux armées se mirent en mouvement. Nous repoussâmes tous les postes de l'ennemi, et le 24, nous introduisîmes tout le convoi dans Ciudad-Rodrigo. Cette forteresse est conséquemment pourvue de vivres pour un temps considérable.
Le comte Dorsenne me céda les troupes de la garnison, qui appartenaient à mon corps d'armée, et les remplaça par d'autres de l'armée du Nord. Le 25, nous nous mîmes en marche. A deux lieues de Ciudad-Rodrigo, nous aperçûmes l'arriere-garde Anglaise. Le général Montbrun, commandant notre avant-garde, chargea l'ennemi avec cette rapidité et cette audace qu'il a si souvent déployées, et lui prit quatre pièces de canon. Nous nous emparâmes des hauteurs, et nous y maintînmes, en dépit de tous les efforts des Anglais, qui furent obligés de battre en retraite. Le général Mombrun les poursuivit pendant deux heures ; son feu fut si vif, qu'il épuisa toutes ses munitions. La perte de l'ennemi tut considérable ; il ne s'arrêta que lorsqu'il fut arrivé au camp de Fuente Guinaldo: mais il n'y avait là que notre avant-garde : notre division d'infanterie était à une marche en arrière. Sans cela, l'armée Anglaise était perdue : nous eûmes la mortification de voir ses divisions se précipiter de toute part vers son camp retranché Si j'avais eu alors 15,000 hommes seulement à ma disposition, l'armée Anglaise aurait été surprise en flagrant délit, et battue en détail, sans pouvoir se réunir. La division du général Anglais Cole était encore à Payo, tandis que la division légère du général Craufurd était à Martiago; mais notre infanterie n'arriva que durant la nuit ; et a la pointe du jour, nous vîmes le camp retranché entièrement occupé par les troupes de l'ennemi. Nous fîmes, le général Dorsenne et moi, les dépositions nécessaires pour attaquer le 27 au matin ; mais le générai Anglais ne jugea pas à propos de nous attendre ; il abandouna son camp pendant la nuit, se retirant sur Alfayates et Sabugal. Nous entrâmes le lendemaiu dans Fuente Gniuaido, et nous fîmes transporter à Ciudad-Rodrigo une grande quantité de fascines et d'autres matériaux ramassés pour le siège. Je dû détruire les lignes de l'ennemi; il fit sa retraite en trois colonnes. Le général Mombrun le poursuivit par la route de Casillas de Flores. Le généval Wattier, avec la cavalerie de l'armée du Nord, suivit la direction d'Albergaria; il atteignit l'arriere-garde de l'ennemi à Aldea de Ponte, et la chargea immédiatement. La division Souhain étant arrivée, l'action fut glorieuse pour les armes de S. M., et l'ennemi fut repoussé, avec beaucoup de perte et de confusion. Son arriere-garde continua sa retraite sur Sabugal.
Nous prîmes les bagages du Prince d'Orange et du général Craufurd. Le désordre fut si grand dans l'armée Anglaise, qu'un aide-de-camp de Lord Wellington, en voulant rejoindre ce général, se jeta, dans nos rangs. Nous fîmes 200 prisonniers. L'armée de Portugal eut 100 hommes mis hors de combat; la perte de l'ennemi monte de 7 à 800 hommes.
(...)
Je dois mentionner avec éloge les généraux Montbrun et Boyer; le capitaine Hubert, du 22e de chasseurs: le lieutenant Merel, du 15e de dragons; ainsi que mes aides de camp Jardet et Favier. Je ne puis, en outre, trop louer le zele des généraux, officiers et soldats de l'armée. Nous aurions suivi l'ennemi jusqu'aux ligues de Lisbonne, où nous aurions pu former une jonction avec l'armée du Midi, qui, entièrement réunie, n'a devant elle que la division du général Hill, si le moment fixé pour la catastrophe des Anglais était arrivé.
(Signé) Lé Maréchal Duc de Raguse







Page 277-279
Rapport du Comte Dorsenne, Commandant en
Chef de l'Armée du Nord de l’ Espagne, au
Prince de Wagram, etc.

Ciudad-Rodrigo, le 30 Septembre 1811.
Monseigneur,
(...)
Je rejoignis le duc de Raguse à Tamames le 22. Nous entrâmes dans Ciudad-Rodrigo le 24. Je changeai sur le champ la garnison, vidai les hôpitaux, et approvisionnai la place pour un an. Le premier objet de mon mouvement fut ainsi accompli; le second, qui était de prendre le camp retranché de Fuente Guinaldo, a été aussi promptement obtenu. Pendant que le général Wattier marchait sur Espeja avec la cavalerie de l'armée du Nord, le général Montbrun se portait sur la gauche; il atteignit l'ennemi sur la hauteur de Bodon, ou il eut une brillante affaire, dans laquelle l'ennemi fut culbuté. Nous arrivâmes bientôt à Fuente Guinaldo, où nous apprîmes avec étonnement que l'armée Anglaise n'avait pas encore rassemblé ses corps. Si nous avions pu prévoir que le général Anglais fût capable de commettre une semblable faute, nous aurions pu prendre une partie de l'armée Anglaise dans des combats partiels; mais notre infanterie n'arriva que dans la nuit; et le lendemain, qui était le 26, je fis mes dispositions pour attaquer le 27; elles ne purent, toutefois, être assez secrètes pour ne pas être observées par l'ennemi: à dix heures du soir, le général Anglais était en pleine retraite sur Alfayates. Le 27, le général Watier atteignit à Aldea del Ponte, l’arriere-garde de l'ennemi, composée de 15,000 hommes d'infanterie et 3000 chevaux, avec 14 pièces de canon. Il chargea la cavalerie Anglaise avec audace, la rompit et la mit en fuite, pendant que le général Thiébault s'avança rapidement sur la route d'Alfayates, faisant sur l'ennemi en désordre un feu terrible d'artillerie.
Plusieurs charges de cavalerie nous rendirent maîtres de toute la plaine. A quatre heures et demie, le général Souham rejoignit le général Thiébault, avec ses grenadiers et voltigeurs; il attaqua le village avec cette vigueur qui le caractérise; l'ennemi résista avec opiniâtreté pendant une demie heure; mais à la fin, le village fut emporté à la bayonnette, et l'ennemi fut précipité dans un ravin: peu après, cette partie de l'armée Anglaise fut repoussée au-delà de la Coa. Mon corps d'armée eut dans cette affaire 40 tués et 140 blessés. La perte des Anglais fut considérable; le général Anglais Cole fut grièvement blessé. J'ai été très-satisfait du zele, de l'activité et de l'intelligence du général Réynaud, commandant à Ciudad-Rodrigo ; il avait organisé cette place de manière à faire la plus brillante résistance, si cela eût été nécessaire.
J'envoye à V. A. un état des officiers qui se sont distingués. Je vous prie de rendre compte à S. M. du zèle et de l'ardeur qui animent toutes mes troupes. Lorsqu'elle jugera le moment arrivé pour commencer les grandes opérations afin de chasser définitivement les Anglais de la Péninsule, S. M. ne trouvera dans aucune année plus de zèle et de dévouement.
(Signé) Le Comte Dorsenne.




Page 472-473
AFFAIRES DE PORTUGAL.
Extrait d'une Lettre d'une Personne attachée à l’Armée de
Lord Wellington.

Au quartier-général de l'armée britannique,
à Freneda, Ie 16 Octobre.

Si vous consultez la carte, vous verrez que notre ligne est à peu près comme elle était auparavant. Du misérable réduit où je vous écris en ce moment, je puis voir Ciudad Rodrigo devant moi, et derrière moi les ruines de la ville d'Almeida. Depuis que les Français se sont repliés, je suis allé à Guinaldo. Les habitants nous disent que l'ennemi a tout pillé chez eux, et qu'il a exercé des cruautés horribles contre jeunes et vieux. Guinaldo est une très-jolie ville, et comme elle est en Espagne elle est très-supérieure à tous égards aux villages portugais, surtout en fait de propreté. Pendant le peu de temps que notre armée se retira, je vis Lord Wellington se tenant, avec son sang froid et sa magnanimité accoutumés, debout sur les hauteurs d'Alfayates, surveillant les approches de l'ennemi. Le gouverneur de Ciudad Rodrigo, le général Reynaud, ses trois officiers d'état-major et 200 têtes de bétail furent pris hier. Le général français qui s'était avancé un peu au delà de sa ligne de promenade, était surveillé de près par les guérillas, qui sont toujours sur le "qui vive !" dans le voisinage, et certes ils sont d'une grande utilité pour cette espèce de guerre, et ils contribuent singulièrement aux opérations de la campagne. La prise des 200 têtes de bétail vexera prodigieusement l'ennemi. Ce bétail faisait partie des vivres qui ont été jetés en dernier lieu dans cette place, et qui l'aurait fait vivre au moins pendant un mois. L'ennemi doit sentir très-vivement cette perte, car il n'a d'autre moyen de la réparer que de rassembler encore une fois les forces de Marmont à Salamanque, et de les faire marcher sur nous. S'il le fait, il pourrait fort bien ne pas se retirer devant Lord Wellington aussi aisément qu'auparavanï; surtout si ce général peut les amener dans un terrain où leur cavalerie ne pourrait pas agir ; et leur y livrer bataille.
La division du Général Cole (la 4eme) et la brigade portugaise, sous le commandement du général Harvey, quittta hier ces environs et se porta de Fuentes d'Onoro, où elle était cantonnée, un peu plus près de Ciudad-Rodrigo, dans l'intention d'engager l'ennemi à faire une sortie. Mais ils n'en ont guère d'envie, et maintenant qu'ils ont perdu leur chef, je suppose qu'ils se rendront le plus près possible de la garnison.
Il vous sera peut-être agréable de recevoir une description des guérillas ; je vais essayer de vous en donner une aussi bien que me le permettra la connaissance que j'en ai ayant vu un grand nombre d'hommes de cette race audacieuse et intrépide. Ils marchent ordinairement par petits détachements, proportionnant toujours leur nombre à l'objet qu'ils ont en vue. Leur soif de butin les rend extrêmement actifs à s'informer et à découvrir où l'ennemi cherche à porter et à déposer ses bagages ou ses provisions ; et la connaissance parfaite que ces guérillas ont de tous les sentiers du pays, leur donne un avantage décidé pour se mettre en embuscade et intercepter tous les convois et les communications de l'ennemi. Ils sont infatigables dans leurs travaux, et ne prennent de repos ni nuit ni jour, lorsqu'ils ont quelque objet en vue. Leurs informations sont toujours exactes. L'habillement et la mine de ces maraudeurs (ainsi que l'ennemi les appelle) suffisent pour inspirer de la terreur ; ils portent un immense bonnet recouvert en poil, lequel est attaché sous le menton par une lanière de cuir noir. Un manteau brun est jeté négligemment sur leurs épaules, et au côté de leurs chevaux est suspendue l'arme terrible et meurtrière, la lance, qui a ordinairement dix pieds de long. La pointe en est fixée dans un étui de cuir qui pend de la selle à l'épaule du cheval, du côté droit. Au milieu du manche de cette arme est suspendue une courroye, pour la tenir et pour l'empêcher de gêner la marche du cheval, ou d'embarrasser le cavalier. Lorsque l'occasion se présente d'employer cette arme, on la détache avec la plus grande facilité.
Leurs énormes moustaches et leurs bottes de peau de chèvres donnent à ces paysans une apparence qui frappe d'épouvante. La manière dont ils vivent leur permet de supporter toute espèce de privations, et les rend plus propres qu'aucune autre espece d'hommes à la nature de la guerre cruelle et destructive qu'ils font à l'ennemi. Un oignon, un morceau de pain, une grappe de raisin non seulement leur suffisent pour satisfaire leurs besoins, mais même ils les regardent quelque fois comme des friandises.


MARÉCHAL MASSÉNA à Alfaiates – 1811





JOURNAUX DES SIÈGES.
FAITS OU SOUTENUS PAR LES FRANÇAIS DANS LA PÉNINSULE, DE 1807 A 1814,

RÉDIGÉS, D’APRÈS LES ORDRES DU GOUVERNEMENT, SUR LES DOCUMENTS EXISTANT AUX ARCHIVES DE LA GUERRE ET AU DÉPÔT DES FORTIFICATIONS.
PAR J. BELMAS,
CHEF DE BATAILLON DU GÉNIE.
TOME PREMIER.
PARIS,
CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES ET CIE,
RUE JACOB, N.º 24.
M DCCC XXXVI.


GUERRE DE LA PÉNINSULE
CAMPAGNE DE 1811 – pages 169-172
Masséna avait le choix de se retirer sous l’appui du canon d’Almeida et de Ciudad-Rodrigo, ou de prendre à Guarda, sur la Sierra d’Estrella, une position de flanc qui le rapprochait du Tage, lui permettait de se lier avec l’armée du centre vers Madrid et avec l’armée du midi sur la Guadiana, et lui donnait le moyen de manoeuvrer encore contre les Anglais. Il préféra ce dernier parti, quoique contraire au désir général des officiers et soldats de l’armée, qui voulaient rentrer au plus vite en Espagne pour s’y reposer de leurs fatigues et se procurer des vivres.
Le maréchal Ney, qui depuis le commencement de la campagne était en scission ouverte avec le général en chef, refusa positivement d’obéir, préférant de ramener l’armée directement sur Almeida, et delà sur Salamanque, pour y prendre des cantonnements. Le général en chef, irrité d’un refus qui compromettait son autorité, crut devoir renvoyer ce maréchal de l’armée, pour y rétablir la subordination par un exemple de sévérité sur l’un de ses premiers chefs, et il donna le commandement du sixième corps au général Loison. Il envoya ses malades à Ciudad Rodrigo et fit reconnaître Alcantara, Coria, ainsi que tout le pays compris entre le Tage et la Guadiana, pensant que la position du Tage était la meilleure à prendre, s’il pouvait y trouver des vivres. Mais, le 29 mars, lord Wellington s’étant présenté devant Guarda, Masséna se replia derrière la Coa. Dans cette retraite, l’armée française perdit mille deux cents maraudeurs qui n’eurent pas le temps de rejoindre leurs régiments.
Le deuxième corps prit position à Sabugal, où se trouve sur la Coa un beau pont en pierre, à la jonction des grandes routes de Guarda et de Castelbranco. Le huitième corps fut placé en arrière à Alfayates. Le sixième corps s’étendit à la droite le long de la Coa. Masséna conservait encore dans cette position la possibilité d’opérer, soit sur Coria, soit sur Ciudad-Rodrigo, et il donnait le temps au maréchal Bessières d’arriver à son secours avec l’armée du Nord (1 ), et de compléter les approvisionnements d’Almeida et de Ciudad-Rodrigo.
Mais bientôt lord Wellington parut avec son armée, et, le 3 avril [1811], il attaqua le deuxième corps à Sabugal avec des forces supérieures. Le combat se soutint longtemps avec le plus vif acharnement; à la fin, le général Reynier fut obligé de se retirer sur Alfayates, en se frayant, les armes à la main, un passage à travers l’ennemi qui déjà l’entourait. Cette affaire nous coûta sept cents hommes. Masséna, obligé d’en revenir à l’opinion du maréchal Ney, se retira sous les murs de Ciudad-Rodrigo, autant pour éviter des engagements désavantageux, que pour mettre un terme à l’affreuse pénurie à laquelle son armée était en proie Le détour qu’il avait fait par Guarda permit à l’ennemi de bloquer Almeida, avant que cette place fût complètement approvisionnée. Quelques jours après , Masséna vint prendre des cantonnements à Salamanque, pour remettre l’armée de ses fatigues.
De leur côté, les Anglo-Portugais, manquant de vivres, repàssèrent les montagnes, et y s’étahlirent dans les environs de Celorico, afin d’être plus à portée de leurs magasins établis à Viseu et à Coimbre.



GUERRE DE LA PÉNINSULE
CAMPAGNE DE 1811 – pages 197-198
L’armée de Marmont comptait vingt-deux mille hommes, celle de Dorsenne était forte de vingt-quatre mille hommes: ces deux armées firent leur jonction à Tamames le 22 septembre [1811], et marchèrent sur Ciudad-Rodrigo. On s’attendait à une grande bataille, mais lord Wellington se retira dans un camp retranché qu’il avait établi en avant de Fuente Guinaldo, appuyant sa droite à l’Agueda. Le 26 septembre, les armées françaises se présentèrent devant cette position. Lord Wellington ne voulant pas risquer une bataille, et craignant d’être tourné par sa gauche, où ses travaux de défense n’étaient pas encore terminés, fit sa retraite pendant la nuit sur Alfayates. Les deux armées françaises ayant atteint leur but, qui était de ravitailler Ciudad-Rodrigo, ne suivirent pas l’ennemi plus loin. Elles revinrent sur leurs pas et se séparèrent. Le général Dorsenne retourna à Valladolid, et le maréchal Marmont vint reprendre ses positions dans la vallée du Tage. Il dut se préparer au siège d’Elvas (1); mais le manque de subsistances, obstacle invincible qu’il rencontra dans toutes ses opérations, l’empêcha d’exécuter ce projet (2).
La campagne se termina sans autres événements sur la frontière de Portugal. Lord Wellington établit son quartier général à Almeida, dont il fit relever les fortifications, pour assurer ses dépôts et ses magasins.


GUERRE DE LA PÉNINSULE
CAMPAGNE DE 1811 – pages 510-512

N.º 61.
Lettre du maréchal Masséna, prince d'Essling, au prince Berthier, major général.

Alfayatès, le 31 mars 1811.
Monseigneur,
Dans ma dernière lettre, je disais à Votre Altesse que je ferais reconnaître Coria, Plasencia et Alcantara, pour m'assurer si le pays offrait quelques ressources et pouvait nourrir l'armée. Je n'ai pas eu le temps de recueillir ces renseignements. L'ennemi ayant fait des mouvements sur Guarda, l'armée a pris position à Sabugal, Alfayatès, Ponte de Sequeiros et Rapoula de la Coa. La réserve de cavalerie est placée aux environs d'Alfayatès.
Monseigneur, je vous dois la vérité: l'armée a besoin de quelques mois de repos; les officiers généraux et autres en ont parlé trop souvent aux soldats, et cette opinion est prédominante à l'armée. Je tiendrai tant que je pourrai mes nouvelles positions. Il est vrai de dire qu'elles offrent bien peu de ressources; mais on pourrait y tenir quelques jours, si je ne suis pas contrarié comme je l'ai été jusqu'à présent. Il suffit que l'ennemi montre quelques têtes de colonne, pour intimider les officiers, et leur faire dire hautement que c'est toute l'armée de Wellington qui se présente. Il faut quelque temps à l'armée de Portugal pour se refaire, et pour profiter des effets d'habillement appartenant aux corps, et qui sont à Valladolid et à Salamanque. Je crois que quand l'armée aura pris du repos, et qu'elle se sera un peu habillée, Sa Majesté pourra la faire agir.
Il y a vingt-sept jours aujourd'hui que nous sommes en marche: tout est usé, et on a besoin de beaucoup de choses. Comme je l'ai déjà dit à Votre Altesse, nous n'avons perdu ni artillerie, ni caissons; et nos chevaux sont absolument exténués: Les équipages militaires n'existent plus; nous n'avons donc aucun transport.
Tout le matériel des équipages militaires et de l'artillerie est à recréer.
J'ai prescrit au général comte d'Erlon de se placer, avec ses deux divisions, à Val de la Mula, Aldea dél'Obispo et environs, pour protéger l'évacuation d'Almeida, et pour se porter, au besoin, au secours des deux places, si l'ennemi les menaçait. Si je suis obligé de passer l’Agueda, j'échelonnerai l'armée entre San Felices de Chico , Ledesma, Zamora, Toro et environs, de manière à pouvoir la réunir en peu de temps, pour marcher, s'il le fallait, sur Almeida ou Ciudad-Rodrigo.
Je ne crois pas que l'ennemi puisse tenter rien de sérieux contre ces deux places, les ponts sur la Coa étant détruits et les abords de la première étant difficiles.
Si je passe l'Agueda, que Votre Altesse soit bien convaincue que je n'ai pas laissé de développer la plus grande résistance, et que ce n'a été qu'à la dernière extrémité que ce mouvement aura été exécuté. Le désir que l'armée a manifesté depuis longtemps d'aller se reposer, ne me laisse aucun doute qu'il serait dangereux d'attendre l'ennemi pour recevoir bataille ou pour la lui donner. Les troupes sont bonnes, mais elles ont besoin de repos. Les maraudes, quoique organisées, et qu'on a été obligé d'y permettre, n'ont pas peu contribué à atténuer la discipline, qui a le plus grand besoin d'être rétablie.
J'aurai soin de rendre compte à Votre Altesse, tous les deux jours, de ce qui se sera passé.
 J'ai l'honneur d'être, avec un respectueux dévouement , etc.

Signé: MASSÉNA.